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Article de la revue ETAPES (n°263) sur la résidence #Laine 2018 / studio Poirier Bailay

Revue Etapes n°263 (septembre-octobre 2021)

Renouveler le regard sur la laine corse

Studio Poirier Bailay

 

« C’est tellement crasseux quand la laine tombe de la brebis. Il y a des déjections, des guêpes mortes, de la graisse. Mais une fois lavée et traitée, elle est étonnamment douce. » Lorsque Pauline Bailay et Hugo Poirier arrivent en Corse pour leur projet de résidence Fabbrica Design en 2018, ils ne s’attendent pas à récupérer un matériau dans un état aussi… naturel.

Une expérience unique pour ce jeune duo, excité à l’idée d’explorer les étapes préliminaires à la préparation de la laine. Car l’île de Beauté en regorge et ne sait qu’en faire. La preuve : chaque année les bergers organisent un banquet festif (A tundera) qui célèbre la tonte des brebis. La laine est rassemblée en tas puis brûlée lors d’un gigantesque feu de joie. Le gâchis est colossal… D’où le poids de la mission Fabbrica 2018 : revaloriser cette matière si résistante, inventer des produits et des processus qui permettraient de l’exploiter dignement.

Pour ce faire, direction Corte, ville historique située en pleine montagne. Là-bas, les designers partagent leur temps entre exploration du territoire, dessins, collecte de matériaux, et, bien sûr, expérimentations sur la laine corse. Tels des scientifiques à la rigoureuse méthodologie, ils constituent des échantillons pour en tirer des conclusions : la laine est rêche mais se feutre parfaitement, elle est « jarreuse » mais robuste, s découpe merveilleusement au laser, et nul besoin de la teindre, tant les couleurs naturelles étonnent d’intensité… Quelques semaines plus tard, ils donnent vie à quatre types d’objets aux processus de fabrication tous différents les uns des autres : des tapis traditionnels, un rideau aussi fin que possible, des pochettes entièrement réalisables en Fablab, et des chaussures à assembler en plusieurs étapes, du patronage par découpe laser à l’assemblage par une matrice.

« Toutes ces couleurs que nous avons glanées dans les montagnes contrastent si bien avec le caractère brut de la laine corse, que nous avons continué sur cette lancée d’un jeu de contrastes : contraste entre le traditionnel et le contemporain – en utilisant aussi bien un vieux métier à tisser qu’une découpe laser – entre le naturel et le synthétique, en mélangeant la laine naturelle à des films PU » explique Hugo Poirier. Contraste, également, entre le motif de la grille – ce treillis sans cesse revisité – et le textile brut. Pour Pauline Bailay, qui avait fait de la grille son sujet de diplôme textile à l’ENSCI, « appliquer une élément graphique construit sur une matière organique facilite la compréhension d’un objet ». Sachant que le quadrillage fait aussi écho à l’essence même du tissage… Bilan d’expérience : en tant que premier projet professionnel pour le studio Poirier Bailay, l’édition Fabbrica 2018 a révélé la capacité du duo à inventer des processus de fabrication et à créer des objets aussi attractifs qu’éthiques. La Fondation de l’Université de Corse envisager même de produire en petite série l’une de leurs créations… Affaire à suivre. AA

JEAN-JOSEPH ALBERTINI | Mise à jour le 19/10/2021