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DIRE « OUI » A 2018 par Francine Demichel, Présidente de la Fondation

« Je veux, en n’importe quelle circonstance, n’être rien d’autre que quelqu'un qui dit oui » F. Nietzsche

Le Jour de l’An, c’est une promesse, propice à toutes les rencontres, à toutes les occasions. C’est le jour où on fait le vœu de dire « oui » à tout le réel, où on est disponible pour tout projet, toute transformation, où n’importe quoi devient probable, où l’impossible devient possible, où l’inconnu cesse d’être improbable.

C’est le moment où s’épanouit l’inventivité, où chacun fait comme si l’avenir était faste. Au Jour de l’An, l’amitié se renforce. C’est le temps où l’on peut transformer l‘impatience en patience, où l’on peut évacuer la quête de l’immédiat, le culte de l’urgence. Où l’on accepte les retards, les erreurs, les mauvais chemins, les ratés qui peuvent se révéler fructueux à terme.

L’année nouvelle commence : accueillons-la avec une bonne humeur discrète, mais active, pleine de goût à la vie.

Accueillons l’étranger avec hospitalité, sans l’interroger disait J. Derrida, en le laissant venir à nous tel qu’il est. Disons oui à l’existence, à ce qui a été, à ce qui est, à ce qui sera. Pratiquons ce que Nietzsche a appelé « la gaieté de la connaissance ». Profitons de cette période pour détruire les évidences, se comporter en chercheurs nomades.

Vivre c’est penser. Faire de l’année nouvelle une année à vivre pleinement, donc à penser. « Egalement » écrit Stephane Floccari. La pensée est aussi indispensable que la vie.

Chaque pensée s’adosse à chaque vie, qui lui donne naissance. Toute pensée sort de la vie : la vie conditionne la pensée et non le contraire. Penser est une expérimentation de la vie : il faut renverser la formule cartésienne : la pensée n’est pas la condition de la vie, mais c’est l’inverse qui est la réalité. Pour Nietzsche, l’existence fonde la pensée :il faut vivre sa pensée, « vivre de sa pensée ».

Pensons avec persévérance, et sans irascibilité. Affirmer la vie dans la pensée, « se créer un soleil personnel » (F. Nietzsche), prendre de la hauteur, suivre une ligne de fuite, voir plus loin, s‘adresser à l’évènement neuf, refuser la politique du nouveau en tant que tel.

L’existence est un « chaos », mais il faut lui dire oui, aimer l’existence .Dans une société avare de beauté, pour qui la gentillesse est une faiblesse, une société qui est malade de son efficacité, dire « oui » à l’existence d’une façon dionysiaque, c’est en même temps dire non à ce qui l’entrave, à l’injustice, à la bêtise, à l’inacceptable. Même les vérités impossibles sont de l’ordre de l’irremplaçable.

Il faut apprendre à penser contre soi, contre ses habitudes, son confort.

Nous entamerons cette année avec le soleil dedans et dehors, nous donnerons un joyeux visage à la vie. Même si le réel existe malgré nous, même s’il n’est pas ce que nous croyons qu’il est, nous ne devons pas rester en retrait, mais accepter de plonger dans l’inconnu, sans certitudes, mais avec douceur.

Les vœux ont certes aussi un aspect caporalisé, les festivités s’imposent : il faut manger, boire et chanter, pratiques obligées pour chasser la peur du lendemain. On s’affranchit des liens du quotidien. On est plein d’exigences à ne plus faire telle ou telle erreur, d’abandonner ses mauvaises habitudes. C ‘est le temps où chacun va à sa propre rencontre, tentant de singulariser son vécu. Les plaisirs du corps doivent se conjuguer avec la sagesse, si l’on ne veut pas supporter des réveils désenchantés.

Le Jour de l’An ne relève pas de la temporalité de l’histoire mais de celle du devenir .Ce ne doit pas être une célébration mais un jour de vie nouvelle. Le commencement de l’année est un recommencement.

Ecoutons toujours Nietzsche qui nous dit de ne pas suivre les évidences, d’apprendre à voir les choses telles qu’elles sont : la beauté doit se trouver dans notre regard.

Pensons à l’herbe qui pousse, aux nuages dans le ciel, au livre que l’on ouvre et que l’on commence à lire, au sourire de l’ami rencontré, à l’évènement provocateur. Disons oui au commencement : commencer c’est nommer les premières choses, nommer le monde, traduire la vie, s’orienter, se réorienter, s’aventurer.

Et soyons « un grand vivant » disait G. Deleuze. « L’espérance, c’est ce qui permet au commencement de commencer » (F Boyer, « là où le cœur attend »)

« Il fait ici un temps merveilleux : il y a des flots de lumière sur la mer et les arbres se couvrent de feuilles. Je suis heureuse de savoir que tu trouves de la joie à regarder les montagnes. Tant qu’on a des choses belles telles que la mer, les montagnes, le vent, le soleil, les étoiles, la lune, le ciel, on ne peut pas être tout à fait malheureux. Et même si on était privé de tout cela et mis dans un cachot, savoir que toutes ces choses existent, qu’elles sont belles, que d’autres en jouissent librement, doit toujours être une consolation » Simone Weil, (lettre de 1941)

Chi liberu po stà un s’incatenu . Qui libre veut vivre, n’aille pas s’enchaîner.

Pace è salute a tutti

Francine Demichel,

Présidente de la Fondation de l’Université

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ANTEA GALLET | Mise à jour le 09/01/2018