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Cycle de séminaires ICPP

Mardi 10 septembre 2024 à 10h00 en salle immersive de l'UMR LISA, Denisa Craciun, postdoctorante à l'UMR LISA, animera un séminaire intitulé "Campà è dì l’Isula cun puesia. La Corse dans l’œuvre poétique de Ghjacumu Thiers"

 

Résumé:

Campà è dì l’Isula cun puesia. La Corse dans l’œuvre poétique de Ghjacumu Thiers

L’écrivain le plus complexe des représentants du Riacquistu (mouvement de réappropriation culturelle et linguistique de la Corse des années 1970-1980), Ghjacumu Thiers dit, dans ses poèmes, l’amour pour son île natale, en renouant inlassablement le dialogue entre le présent et le passé, en dénonçant les images identitaires figées et en s’interrogeant sur la destinée du peuple corse, qui, tyrannisé par les innombrables invasions au fil des millénaires, fut (et continue de l’être) assoiffé de liberté. Identifié au « Soleil » de sa nation, le poète souhaite partager la prise de conscience sur cette « voix » qui « appelle et appelle » depuis la nuit du temps sur la rive tyrrhénienne, sans cesse « balayée par les orages » (« Chì chjama chjama/Nant'à a sponda spettinata », le poème « Una sorte da scrive », du recueil L’Arretta bianca, Albiana, Ajaccio, 2006, p. 79). Solaire, lyrique, méditerranéenne, sa poésie retranscrit les dits de cet autre je évoqué par Rimbaud, qui est, en fait, notre réelle, notre véritable et ultime, nature: le Soi. Guidé par cette voix, par cette instance transcendante, l’auteur de L’Arretta bianca regarde, d’une façon panoramique et autoscopique, le chemin de la vie, la sienne, ainsi que celle de i so ghjenti/aientiè u mo sguardu/ l’andatu u seguita », le poème « Andati », p.19), le chemin sinueux de ces hommes et femmes, qui portent en eux, dans leur âme et dans leurs corps, tel un brin de lumière, l’Esprit corse, qui se manifeste (probablement depuis l’époque de la « dame de Bonifacio ») à travers la langue. « Chant » (dans les poèmes « U tappettu », « Gravette », « Sacre ») et « sérénade » au temps de l’amour (dans le poème « Ciò ch'ella dice a voce », op. cit., p. 92), la langue est perçue, dans d’autres circonstances, comme étant rude comme la pierre des labeurs des gens (« isse voce eranu petra/griviglie di u stentu/ suchju di l’ogliu fine », ibidem ) ou blessante comme une pierre lancée, et parfois elle, la langue, peut devenir aussi acérée que le tranchant d’un couteau ou d’une épée: « Torre tamante/E parolle sò petre/In i posti di e bugie/Si era po arricummandatu/U pastore cù tutti i so santi/Tutti/È si ne passa à stracciapace/In i tanghi di issa voce cultella » (le poème « Torre tamante », ibid., p. 102). Renvoyant évidemment aux tours génoises, les « torre tamante/catasti di petre stupite» (tours titaniques/tas de pierres hébétés) représentent l’oppresseur et les vestiges de son occupation. Adepte du plurilinguisme, de la tolérance et de la paix au sein de l’Île, Ghjacumu Thiers n’hésite pas cependant à prendre la parole pour dire la vérité toute crue. Étouffée dans le passé par les « ronces » des langues envahissantes (l’italien, l’arabe, le catalan, l’anglais, le français), à peine sortie de la diglossie, la langue corse poursuit sa voie vers l’épanouissement - les nombreuses productions littéraires contemporaines d’expression corse attestent de cette réalité de l’essor de l’Isula, toujours polyphonique, toujours magique.

ANDREA MATTEI | Mise à jour le 11/07/2024